Rencontre !

Avec Charles Robinson, écrivain

Intervenant dans le Parcours 5| "Power Tools : Présenter son travail artistique (avancé) " et dans "Profession Artiste"

Depuis quand interviens-tu au BBB centre d'art ?

Cette collaboration est récente. Nous avons eu un premier atelier d’une journée en 2018.
Celui-ci a été l’occasion de tester de premières propositions, qui ont obtenu de bons retours de la part des participants. Nous allons donc poursuivre sur cette voie et continuer à améliorer ce qu’un atelier d’écriture peut apporter.

Quels sont tes domaines d'intervention ?

Romancier, je donne principalement des ateliers d’écriture, même si je pratique aussi des ateliers de performance.
Avec l’écriture, il y a beaucoup à explorer en termes de voix, d’organisations, d’approfondissements thématiques, de diversités des perceptions, d’orchestrations. Au moment de l’écriture se posent des questions de composition, de dessins, de couleurs, de densités, d’hétérogénéité, de clarté, de partage, de singularité et de générosité. J’essaie d’intervenir à chacun de ces endroits, même si un atelier se focalise en général sur une partie seulement de ces questions.

Quel est ton parcours ?

J’explore la manière dont nous sommes au monde et en sociétés à travers romans et performances poétiques. Mon premier livre, Génie du Proxénétisme, dresse les portraits d’entrepreneurs épanouis. Le livre a été adapté au théâtre. Dans les Cités, premier volet d’un cycle romanesque consacré à une cité de banlieue, devient une pièce radiophonique pour France Culture. Fabrication de la guerre civile, second volet du cycle, paraît en 2016 sous forme de roman, et se prolonge sur scène sous de multiples formes, dont une lecture pour trois musiciens et deux lecteurs : De la guerre civile, ou, Disneyland après la Bombe. Ce travail poursuit une expérimentation de la lecture en public qui croise travail sur les voix, enregistrements sur le terrain, création musicale et vidéo, collaborations protéiformes et corps en mouvement. J’entrelace : l’écriture, la création sonore, la littérature live, le numérique. J’aime que les textes soient matière, puissent être remaniés et retravaillés à travers différentes formes et différents médiums.
J’ai interrompu mes études tôt et débuté l’écriture relativement tard. J’ai donc bricolé une culture hétéroclite, rebondissant en sauts de puce et approfondissant les découvertes qui surgissaient sans fin. J’ai puisé très largement dans la littérature francophone et mondiale, sur trois siècles, mais aussi beaucoup lu de philosophie, anthropologie et sciences humaines. J’ai vu beaucoup de films, écouté beaucoup de musique et abondamment pratiqué galeries et musées. À cela s’ajoutent les expériences du monde et les voyages. Le tout offre beaucoup de rencontres, d’images, de souvenirs, de paroles et d’outils.

Cela sera plus précis ici : http://charles-robinson.blogspot.com/

Comment procèdes-tu pour accompagner les artistes dans l'écriture ?

Le cœur de l’atelier est constitué de protocoles élaborés à l’avance, en fonction des attentes et de la durée de l’atelier. Je conçois un parcours d’écriture, où se succèdent des expériences et des recherches.
Mais la phase la plus importante est celle de la lecture et des retours sur les textes en cours d’écriture. Ne connaissant pas les participants, c’est dans cet aller-retour in situ que s’opère la relation la plus fructueuse. Cela nécessite beaucoup d’attentions, de temps, et de disponibilités mutuelles.
Je n’apprends évidemment pas à écrire : j’essaye de comprendre le travail que réalisent les participants, et de repérer à l’intérieur tout ce qui fait valeur, tout ce qui me semble stimulant ou prometteur, tout ce qui achoppe aussi, et les éventuels travers à l’œuvre.
En spectacle vivant on parlerait là de « regard extérieur ».

Penses-tu que l'écriture soit un aspect essentiel pour un artiste plasticien ?

Méfions-nous du mot « essentiel » qui peut signifier « incontournable » : or, si nous appartenons à un système culturel qui survalorise le discours, un artiste peut parfaitement produire son œuvre sans écriture.
Mais il y a deux moments où cette question de l’écriture devrait intervenir.
D’abord avec le fait d’avoir à parler de ses œuvres, qu’il s’agisse de dossiers ou d’expositions, l’artiste est poussé à assumer un rôle de médiateur de son propre travail. Comment faire cela sans devenir VRP ou boutiquier, sans se transformer en agence de publicité, etc. ? Le langage, dans ce qu’il véhicule de valeurs, de sens, d’esthétique et d’éthique, peut être un précieux allié pour ne pas se faire manger cru par le dragon de la communication.
Ensuite, le texte peut être une part importante du travail plastique lui-même. Les disciplines ont éclaté et sont poreuses. Il y a de magnifiques usages du texte pour les plasticiens.
Dans tous les cas de figure, cela pose la question du pourquoi d’une écriture, répond-elle seulement à une exigence fonctionnelle de marché, la gardons-nous utilitaire ? Ou au contraire lui donnons-nous une nécessité à l’intérieur de l’œuvre et du parcours de production ?
Un atelier d’écriture sert aussi à reformuler la commande d’écriture pour en faire une réelle production personnelle.